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Guerre 14 18 en Alsace - Bataille du Linge 1915 - 63ème RAAA Poste 1/2 fixe 96

Guerre Aérienne Illustrée

Un avion abattu par les canons
Le nombre des victoires remportées par nos batteries anti-aériennes croit sans cesse et nous ne saurions passer sous silence le succès de nos artilleurs de D.C.A. (Défense Contre Aéronefs). Nous avons demandé un technicien éminent de bien vouloir indiquer à nos lecteurs en quoi consiste ce travail d'épuration aérienne.
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Certainement cher monsieur Mortane, vous avez du croire que je vous avais oublié.
Il n'en est rien et, si je n'ai pas satisfait plus tôt à votre désir, c'est uniquement parce que j'ai été trop occupé jusqu'à maintenant à faire la guerre. Vous avez dû constater d'ailleurs, d'après les communiqués récents, que, sans atteindre des chiffres comparables ceux des victoires de nos pilotes de combat, la quantité de Boches abattus par les moyens de l'A. A. A. n'était nullement négligeable.
Justement, à l'instant même où je recevais votre dernière lettre, je venais d'avoir la satisfaction de voir un biplace boche dégringoler de 2.000 mètres en chute verticale, une aile arrachée par le tir d'une section d'auto-canons ; l'ap- pareil en miettes, les deux aviateurs effroyablement broyés : c'était bien l'application rigoureuse de la meilleure formule qui consiste à liquider d'un coup la machine et ses occupants. Comme ça on ne parle plus ni de l'une ni des autres ...
C'est ainsi que fut apprécié cet exploit par quelqu'un qui conçoit dans quel esprit implacable on doit faire la chasse aux avions boches, avec cette haine sainte de tout ce qui porte les insignes de ce peuple de bandits.
Donc, cela se passait le 2 mai et, ce jour-là, dans l'après-midi, sur un front de 40 kilomètres à peine 3 avions boches furent mis mal par le canon, ainsi qu'en attesta le lendemain le communiqué de 23 heures en mentionnant ces succès de la D. C. A.
La D. C. A. qu'est-ce que cela ?
Ça signifie sans doute : Distribution de Caffuts aux Amis disait un toubib goguenard que la retombée en pluie de métal des balles et des culots de shrapnells rendait si peu enthousiaste de l'artillerie anti-aérienne qu'il lui contestait, par rancune, toute utilité défensive contre les oiseaux boches diurnes ou nocturnes.
Heureusement que cette opinion originale ne semble pas être généralement partagée par les aviateurs ennemis, si on en juge par les cabrioles affolées qu'on leur voit faire parfois pour se soustraire aux atteintes des projectiles de nos canons spéciaux, cabrioles au bout desquelles certains font, bon gré mal gré, de temps en temps la définitive culbute.
Sans doute la crainte, du coup bien placé ne retient pas les aviateurs ennemis d'en courir le risque, le métier d'avia- teur est fait du mépris de multiples dangers. Mais il n'est pas
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UNE SECTION D'AUTOS-CANONS
Les sections d'autos-canons sont obligées de faire preuve d'une grande mobilité
dans leur poursuite incessante des avions boches auxquels il faut interdire le passage.
moins vrai que le demi-tour par principe du Rumpler ou de l'Albatros qui a vu lui éclater devant le nez un obus de 75 est un spectacle assez fréquent pour le poilu qui, la pipe aux dents, de son cantonnement ou de sa tranchée lève le nez vers le ciel parsemé des petits flocons blancs des shrapnells ou des tâches noirâtres des explosifs.
Aussi, dans certains secteurs, il y a des sections d'auto- canons ou des postes demi-fixes qui se sont acquis parmi les poilus une juste popularité par la vigilance qu'on y déploie à ne laisser approcher à portée aucun avion boche sans lui dé-
pêcher avec une ardeur inlassable autant de pruneaux qu'il en faut pour lui faire laisser ça là par une retraite prudente.
Mais ce qu'on ne sait pas assez c'est ce que représente réellement de fatigues et de dangers le métier de tireur contre avions.
Le profane se doute bien un peu des difficultés que ce métier comporte et c'est pourquoi il excuse avec une bien- veillance un peu méprisante ce que d'aucuns appellent les faibles résultats obtenus, sous prétexte qu'il ne voit pas sou-
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vent un avion ennemi s'effondrer au milieu d'un tir. Cepen- dant on ne s'imagine pas la persévérance qui est mise dans l'A. A. A. par les hommes et par leurs officiers à tâcher de surmonter ces difficultés.
Il a été écrit déjà un peu partout pas mal de choses plus ou moins exactes sur le tir lui-même et les méthodes diverses qu'on y met en œuvre. Je n'essaierai pas d'en donner ici une idée, même sous une forme que la censure pourrait admet- tre, parce qu'il y faudrait une autre plume que la mienne et seul le lieutenant-colonel Pagézy pourrait parler du tir contre objectifs aériens avec toute l'autorité nécessaire, je dirai : celle d'un père pour parler de son enfant !
Il faut rendre César...
Je sais bien qu'en écrivant cela je risque de me faire dire des sottises quand le lieutenant-colonel Pagézy me ren- contrera mais cela ne me sera pas désagréable venant de lui.
(Quinze lignes censurées)
Là, comme ailleurs, la valeur absolue des gens ne compte pas assez quelquefois, en regard de ce qu'on attache d'importance, pour distribuer les grades et les honneurs, ce
que j'appellerai la valeur relative de ceux qui se poussent en avant en manœuvrant avec habileté des leviers... dont on chercherait vainement la nomenclature dans la description du matériel fabriqué avec tant de soin dans les ateliers de Puteaux, d'où sortent les engins de guerre de l'A. A. A.
Pardon, lecteur, pour la digression...
Dans le même ordre d'idées : peut-on dire ? Ou ne peut-on pas dire ? Qu'il se prépare dans l'A. A. A. de grandes transformations. Il est souhaitable que ces trans- formations aboutissent à une organisation qui vaille aux Boches-volants de trouver la guerre de moins en moins  fraîche et joyeuse.
Travailler au perfectionnement des moyens de vaincre est le devoir de chacun et l'idée dominante de tous ceux qui y travaillent doit être de prendre des mesures d'intérêt général mais il ne faut pas oublier que l'intérêt général exige qu'on évite autant que possible de froisser les amours- propres et de léser les intérêts particuliers de ceux qui ont mérité. Parmi les gens dévoués, dont la France a le plus besoin, il y en a que rien ne rebute parce qu'ils sont iné- branlablement attachés à leur devoir, mais d'autres qui peu- vent se décourager quand ils se voient trop désavantagés.
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Il y aurait à propos des futures transformations de l'organisation de l'A. A. A. bien des conseils donner, bien des écueils à signaler. Je ne me hausserai pas à cette tâche, car ce serait sortir du cadre de ce journal. Qu'il me suffise, en effleurant le sujet, de signaler à la pléiade des chefs remarquables qui régissent désormais les destinées de l'A. A. A., que, pour ne pas commettre d'erreurs, la pierre de touche est de se dire avant de prendre une décision :  Si j'étais à la place de celui à qui je vais donner cet ordre..., quel effet cela me ferait-il de le recevoir et dans quel esprit me serait-il possible d'en assurer l'exécution ?
Mais voilà une digression qui m'a entraîné un peu loin de mon véritable sujet : le tir contre avions.
Tous les trois coups de canon on ne peut pas tomber un avion...
L'étude des méthodes qui y sont appliquées, leur exé- cution, est une véritable science qui est née pendant la guerre, comme tant d'autres choses, de la guerre elle-même, et les progrès accomplis dans cette science nous ont valu une supériorité marquée sur nos adversaires, supériorité qui s'affirme par les résultats obtenus, enregistrés par les communiqués.
Cette science est une science ardue, d'autant plus ardue qu'elle a nécessité pour ceux qui s'y sont appliqués de faire abstraction de tous les principes fondamentaux qui servent de base aux méthodes du tir contre objectifs terrestres. Seul le tir des pièces de marine sur but mobile a quelque vague analogie avec le tir contre objectifs aériens, mais ses mécanismes en sont beaucoup moins compliqués.
Non seulement il y a dans le tir contre avions une grande difficulté à faire des mesures instantanées d'éléments sans cesse variables, mais encore faut-il faire subir à ces éléments des corrections qui les rendent valables non pas pour l'instant où les mesures sont faites, non pas même pour l'instant où le coup part, c'est-à-dire quelques secondes après, mais pour celui où le coup arrive. Aux distances moyennes de combat de l'artillerie anti-aérienne, maintenant que les avions se tiennent aux grandes altitudes, il y a entre ces différents moments un intervalle de temps qui est en moyenne de trente secondes. Or, si l'on veut bien réfléchir à ce que peut faire comme déplacement, pendant ce temps-là, un aviateur qui tient les commandes d'un engin avec lequel il peut évoluer dans tous les sens à la vitesse vertigineuse de cinquante mètres à la seconde, il est facile de concevoir que le coup le plus parfaitement calculé, le mieux dirigé, n'a, pour rencontrer l'avion en ce point du ciel vers lequel l'obus et
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l'avion doivent converger, théoriquement qu'une bien faible chance. Il faut, pour évaluer la petitesse de cette chance, la comparer à l'énormité de l'aléa qui provient, non seulement des influences perturbatrices que subissent les deux mobiles, mais surtout de la volonté même du pilote qui, en imprimant à son appareil des mouvements d'une souplesse et d'une rapidité déconcertantes, s'attache à modifier sa route pour ne pas se trouver au point de l'espace où l'obus éclatera, à la seconde même où il éclatera.
D'après ce qui précède, il semblerait que devrait risquer d'être atteint seulement l'avion qui commettrait l'imprudence de s'entêter à suivre rigoureusement dans l'espace une ligne droite horizontale pendant plus de 30 secondes quand il est en butte, ou dès qu'il risque d'être en butte à un tir anti- aérien. Pratiquement il y a des trucs, des moyens d'aider la chance que connaissent nos tireurs contre avions astucieux... Il n'est pas utile évidemment de les dévoiler aux amateurs qui font métier de Boches-volants.
Quant à la vie elle-même que mènent les tireurs contre avions, officiers et canonniers, elle n'est pas pour beaucoup d'entre eux ce que la foule des camarades des autres armes en pense trop souvent.
EN TENUE DE TRAVAIL
EN TENUE DE TRAVAIL
Les artilleurs des pièces anti-aériennes sont obligés de se camoufler de façon à ne pas être aperçus des avions qui les attaquent à la mitrailleuse dès qu'ils les repèrent.
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Les pépères de l'A. A. A.
Je ne parlerai point longuement des postes de l'intérieur qui ont le mérite de remplir une tâche obscure, non pas seulement parce qu'ils sont destinés à tirer surtout la nuit, mais parce qu'il faut songer qu'ils doivent être toujours prêts à s'alerter pour ouvrir le feu de jour comme de nuit et cela après être restés quelquefois très longtemps sans avoir aperçu le moindre avion boche et sans avoir tiré par consé-
quent le plus petit coup de canon. Que pensez-vous de la lassitude qui peut envahir des gens obligés de tenir un affût aussi décevant ?
Ils ont l'anxiété continuelle de se dire que la moindre défaillance, le moindre relâchement dans la surveillance du morceau de ciel qui est confié à leur garde risque de les faire manquer à un devoir impératif, ce dont ils seront jugés impardonnables du fait même de leur longue inaction où ils
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UNE PIÈCE EN ACTION

UNE PIÈCE EN ACTION
devraient en quelque sorte pouvoir trouver une excuse.
Mais désormais ces postes de l'intérieur eux-mêmes et particulièrement ceux du camp retranché de Paris sortent de l'effacement dans lequel ils étaient : ne leur doit-on pas ces barrages formidables de violence et de densité, que Gothas et Friedrichshafen doivent affronter pour aller tuer dans les villes des femmes et des enfants endormis, non pas sans que quelques-uns de ceux qui l'osent ne se brûlent les ailes aux flammes pourpres des explosions d'obus, tandis que les autres, intimidés, font demi-tour ?
Il est juste de rendre hommage à ces modestes défen- seurs de la vie des gens de l'arrière car, parmi ces braves artilleurs, beaucoup ont dépassé l'âge des combattants et d'autres ont déjà payé d'une ou deux blessures sur le front leur dette à la Patrie. Ils sont néanmoins les seuls au mo- ment où ronflent sur leur tête les sinistres oiseaux de nuit à rester exposés à découvert à la chute des bombes pour lesquelles les désignent, trouant la nuit, les lueurs fulgurantes de leurs canons.
Les postes et sections demi-fixes.
Sur le front, de même que les batteries de 75 ont pour
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mission principale de faire devant les fils de fer barbelés le barrage protecteur qui interdira aux Boches de sortir de leurs tranchées, les postes demi-fixes contre avions, installés derrière les lignes, sont toujours prêts à déclencher sur tout avion approchant le tir qui lui fera rebrousser chemin ou qui lui fera, s'il persiste, risquer la destruction.
Mais, tandis que le barrage terrestre tout préparé d'avance, tout réglé d'avance, peut se déclencher automati- quement sur un signal lumineux ou sur un ordre téléphonique chaque alerte pour un tir contre avions entraîne la mise en branle de tout le personnel du poste, qui, dans le minimum de temps, doit effectuer toutes les opérations délicates et compliquées par lesquelles on prépare et on exécute un tir.
Et tout cela ne se fait pas toujours en toute tranquillité et en toute sécurité, car il ne faut pas croire que les pièces contre avions jouissent du fait des batteries boches d'en face d'une immunité spéciale : elles se font sonner tout comme les camarades et quelquefois davantage.
Elles sont presque impossibles à doter d'une protection efficace, elles sont très visibles et partant très vite repérées et leur demi-fixité ressemble fort à une fixité presque totale par suite de l'obligation d'avoir toujours le logement du personnel
à proximité des canons afin de parer rapidement aux alertes.
(A suivre.)
Lieutenant X...
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Beaucoup croient pouvoir jalouser, à la guerre, un sort différent du leur, mais que ceux qui se font une idée trop agréable de la vie que mènent les tireurs contre avions, s'arrêtent à visiter quelques sections demi-fixes placées en avant : ils y trouveront les pièces installées au milieu de paysages lunaires et les hommes tapis dans des gourbis de troglodytes. Ceux-là ne sont pas, il est vrai, sous la menace immédiate d'une ruée boche comme les fantassins de la tranchée de première ligne, mais ils ont la menace plus permanente de recevoir sur la tête les marmites de tout calibre dont ils sont gratifiés avec libéralité, ce dont personne ne pense à les envier. Non seulement ils sont en butte à des tirs de destruction, mais dans certains secteurs ils reçoivent une véritable allocation journalière de 105 ou de 150 voire même de 210 que les Boches s'empressent à leur servir avec un zèle remarquable dès qu'un ou plusieurs de leurs avions prennent leur vol. Et cependant il faut en toutes circons- tances remplir sa mission, il faut tirer malgré tout sur l'avion à croix noires qui se promène dans le ciel.
Tandis qu'aux alentours tout le monde se terre, s'im- mobilise, que les autres batteries se taisent sauf nécessité absolue, il faut que les servants des canons contre avions courent à leurs pièces : on les voit bondir sur la plateforme et là, penchés sur leurs appareils, sans se laisser distraire, sans
se laisser troubler, il faut que chacun concentre toutes ses fa- cultés, mette toute son application à faire sa part de la manœuvre commandée parce que la moindre erreur, la plus petite faute d'un seul suffit à compromettre le travail de tous les autres.
Les canons crachent furieusement vers le ciel, aboyant comme de fidèles chiens de garde vers l'intrus, l'officier commandant le tir au milieu de son peloton de com- mandement suit attentivement l'avion dans sa jumelle et personne ne semble s'en apercevoir quand les obus boches commencent à s'abattre avec fracas autour des pièces, personne ne semble se soucier des éclats qui sifflent méchamment.
Puis, quand les coups se rapprochent, on arrondit un peu le dos jusqu'à ce que, les pointeurs, aveuglés par la poussière qui vole et par la fumée qui tend un voile opaque devant l'objectif, il faille interrompre le tir... Et quand retentit le commandement : Abritez-vous ! Avant lequel personne n'oserait bouger de son poste, bien heureux s'il n'y a encore personne de touché... encore pour cette fois !
Non ! On ne sait pas assez ce que représente de courage et d'abnégation l'accomplissement de la tâche de
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ceux qui tirent contre avions. Une vieille légende veut que, même dans le haut commandement, on considère l'A. A. A. suivant un mot du vocabulaire poilu, si expressif, comme un « filon » et cela parce qu'on assimile toujours plus ou moins le poste demi-fixe qui est à 1 500 mètres des Boches à celui qui défend la gare de Pézenas...
Je citerai un trait entre mille, car ces choses-là sont plus belles à voir faire qu'à entendre raconter. Je me souviens d'une section demi-fixe dans les Flandres qui était en butte fréquemment à des tirs d'interdiction qui, par une chance inouïe, étaient restés à peu près inefficaces aussi bien contre le personnel que contre le matériel. Exaltés par l'exemple de leurs officiers qui montraient la plus belle insouciance du danger, les hommes avaient acquis une telle confiance qu'ils semblaient ne pas plus compter avec les obus boches que si ceux-ci avaient été absolument inoffensifs.
Un jour, un 150 explosif vient éclater percutant derrière une des plateformes, à 2 mètres environ du déboucheur absorbé à faire marquer sur le plateau gradué de son appareil les distances envoyées par le poste de comman- dement : fracas épouvantable, fumée noire suffocante, pluie de terre, de cailloux et d'éclats. Cette fois le sifflement annonciateur de l'obus avait été tellement significatif que tous
les hommes s'étaient aplatis d'instinct et par miracle personne n'avait été touché.
UNE BATTERIE D'AUTOS-CANONS AU REPOS

UNE BATTERIE D'AUTOS-CANONS AU REPOS
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Alors, au milieu de ce grabuge, on voit le déboucheur qui seul n'avait pas bronché, se retourner en essuyant d'un revers de main sa figure éclaboussée, s'ébrouer un peu en éternuant et lancer dans le trou fumant creusé par la marmite un long jet de salive en prononçant d'un air de profond mépris le mot définitif de Cambronne.
Puis tranquillement il se penche, débouche avec méthode un projectile, se redresse pour passer la cartouche au chargeur en mettant dans son accent faubourien une gouaillerie intraduisible pour annoncer : Tiens, remet' z'y leur ça à 6.200 !... Et il reste les bras levés, sa cartouche en l'air, les yeux arrondis de stupéfaction de ne pas trouver tout de suite quelqu'un devant lui pour continuer le chargement !...
Ah ! Les braves types des postes demi-fixes, dont la plupart furent versés dans la D. C. A. comme récupérés de l'infanterie après une blessure les rendant inaptes la marche, en recevant l'assurance qu'on leur donnait un poste tranquille.
Heureusement qu'on les fait osciller désormais entre les positions d'avant et les positions de deuxième ligne ; mais pendant longtemps dans les secteurs, eux seuls ne connais- saient ni trêve ni repos dans la continuité de la guerre. Ils ne
goûtaient jamais les charmes d'un cantonnement et ils accep- taient avec une philosophie souriante, quand ils se rencon- traient en permission avec des camarades d'autres armes, d'en recevoir les congratulations que leur valait la réputation d'être possesseurs d'un sacré filon.
Les volants de l'A. A. A...
ceux qui roulent en auto...
A côté de ces artilleurs contre avions dont la mission est de rester sur place, ce qui a du moins l'avantage de leur dispenser quelques loisirs quand le temps douteux rend peu probable la visite des avions boches au dessus des lignes, il y a une autre catégorie de tireurs contre-avions qui mènent une vie nomade, je veux parler des volants de l'A. A. A. ceux qui servent les auto-canons de 75.
Ceux-là, on les a entendus appeler un jour par un chef d'escadron d'artillerie de campagne devant les batteries duquel une section d'auto-canons venait prendre position :  les artilleurs de luxe !
Comment donc ! Des gens qui se promènent en auto.. et quelles autos ? Des huit cylindres. Oui, mon commandant !
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UN SUCCÈS DES CANONS ANTI-AÉRIENS
- Mais quel dommage que le châssis de l'auto-canon soit si court, si lourd et si encombré par la tourelle d'un 75 à tel point qu'on cherche vainement où se trouve place la carrosserie ! Et puis quelle drôle de façon de pratiquer le tourisme que d'aller avant le jour à travers des chemins défoncés par les obus et que l'artillerie ennemie arrose cons-
tamment sans doute pour abattre la poussière... même quand il pleut !
Arrivés dans la zone de ce que le lieutenant commandant appelle, avec un grand sérieux, les bonnes positions, sous prétexte qu'on peut tirer de là les avions boches jusqu'à
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5.000 mètres à l'intérieur de leurs lignes, il faut s'installer avant le lever du soleil de façon à être prêt à recevoir dignement à coups de canon le premier Albatros qui, dès patron-minette, viendra faire son petit tour matinal sur les tranchées et l'empêcher de repérer tout à son aise les travaux faits pendant la nuit, le distraire de regarder trop attentivement où sont installés les mitrailleuses, les crapouillots, les observatoires, etc. ... Et le faire renoncer à faire bavarder sa mitrailleuse en manière de bonjour à l'adresse des « bonhommes » qui cheminent, les bras alourdis par les bouteillons remplis de jus, à travers le dédale des boyaux.
Et la journée s'écoule ainsi, pas une minute on ne peut cesser d'être sur l'œil et certains jours on peut dire que tout le monde reste sur les dents... Au sens tout à fait figuré du mot, car c'est à peine si on a le temps de manger. Quelles journées que ces journées de juin jusqu'à celles d'octobre où l'azur implacablement lumineux du ciel est rempli du bourdonnement avions amis et ennemis, pendant lesquelles il faut, sans se lasser scruter l'espace, Il faut y découvrir le Boche qui viendra prendre, à 5.000 mètres d'altitude, les photos qui documenteront l'artillerie ennemie sur l'emplacement exact des ouvrages à détruire, des batteries à contrebattre, des travaux à empêcher, il faut le gêner dans sa
mission en l'obligeant à changer de direction. Il faut tâcher de faire faire demi-tour à celui qui veut passer à l'arrière pour faire des reconnaissances profondes avec l'espoir de décou- vrir nos mouvements de troupes. Il ne faut pas laisser approcher l'escadrille de chasse qui pousse une pointe sur les lignes avec l'intention de surprendre nos avions de réglage.
Et si on ne réussit pas évidemment à tout empêcher, on n'a pas tiré inutilement rien que pour avoir signalé ces indésirables aux Spads qui croisent dans les environs et qui, à tire d'aile, arrivent à la rescousse pour nettoyer le ciel dès qu'ils aperçoivent les petits flocons blancs annonciateurs. Que d'avions ennemis que n'avaient pas abattus les shrapnells des auto-canons, périrent sous la mitrailleuse de nos pilotes de chasse fondant sur eux au moment où l'équipage inquiété et distrait par le tir anti-aérien, ne pensait qu'à repérer la batterie qui les prenait à partie ou à éviter les coups en évoluant. Guynemer a remporté de nombreuses victoires en exploitant la surprise d'une attaque brusque, surprise obtenue dans ces conditions. Et que d'avions amis ont été sauvés des chasseurs boches en voyant tout à coup apparaître les flocons blancs qui signifient pour eux :  Acré ! vlà un Fritz !
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Que de ballons ont été sauvés non seulement par le barrage interposé entre eux et leurs assaillants mais par l'alerte donnée par le tir anti-aérien accompagnant qui ap- proche, assez tôt pour que le treuil puisse ramener le ballon près du sol sous la protection des mitrailleuses.
Peut-on croire que c'est une sinécure que de tirer tous les jours 3 ou 400 coups par pièce ? Cela représente de 30 à 40 tirs différents et un nombre d'alertes supplémentaires au moins égal pour les avions, qui restent hors de portée. Cela représente pour le chargement de chaque pièce plus de 3.000 kilos de cartouches maniées dans la journée. Cela représente pendant la saison de plus grande activité aérien- ne des journées qui commencent à 3 heures du matin et qui finissent à 9 heures 1/2 du soir, car, non seulement il faut être là pour tirer le premier avion du matin et le dernier avion du soir, mais il faut éviter de circuler de jour par certaines routes sous l'œil curieux des saucisses boches.
Il ne s'agit pas de s'installer sur les positions de façon confortable, il n'est pas question de s'y arranger pour rester il faut au contraire y être toujours prêt à partir car la seule chance d'échapper au tir des batteries boches qui traquent les auto-canons est d'être déjà ailleurs quand elles vous croient encore quelque part. Aussi il ne faut pas mettre de
paresse à se déplacer sans négliger pour cela de creuser sur chaque emplacement occupé même provisoirement de petites tranchées abris pour le personnel. Oui, il faut être terrassier même dans les auto-canons ! Et ce n'est pas cependant une petite affaire que de changer de position très souvent, Les liaisons indispensables ne s'attachent malheu- reusement pas en remorque aux crochets arrière des cais-sons ! Et la mise en station des appareils ne se fait pas, comme dit l'adjudant, en soufflant dessus .
La journée d'une section d'auto-canons
Voulez-sous que je vous raconte la journée d'une sec- tion d'auto-canons au front en ce moment ?
(A suivre.)
Lieutenant X...
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Le cantonnement (un village en ruines, une baraque Adrian ou bien des gourbis abandonnés), est assez près des positions : réveil à 3 heures, départ à 3 h 30.
Voyage heureux : la batterie de 130 qui arrose le carre- four ayant envoyé une salve de quatre 2 minutes avant le passage de la section, a envoyé la suivante 3 minutes après.
- Mise en batterie à la lisière d'un boqueteau.
- Tiens ! Il y a des trous d'obus de fabrication récente ; ça sent la moutarde.
- Arrêtez la mise en batterie !
Il est préférable d'aller ailleurs, cette nuit il est tombé ici des obus à gaz ; on aurait pu ne pas s'en apercevoir...
Deuxième escale dans un chemin creux à 300 mètres d'une batterie dont les abris massifs se distinguent avec, à côté, l'entrée de sapes profondes. Tout est paré et on se dispose à casser la croûte... Alerte ! Fantomas apparaît.
Quelques paroles brèves.
- pièces prêtes !
Quelques commandements précis :
- Par un ! commencez le feu !
Fantomas fait un plongeon brusque devant un obus qui éclate en avant de sa carlingue, il fait un virage sur l'aile parce qu'un autre obus vient, peu après, de lui éclater sous la queue.
Au revoir, M'sieu !... Fantomas est parti se plaindre au général commandant l'artillerie boche qu'il y a une section d'auto-canons bien ennuyeuse dans ce coin là.
D'autres avions viennent et s'en vont. On tire. Le soleil darde ses rayons. Onze heures ! Voilà la soupe qui arrive dans les norvégiennes.
- Chic ! La camionnette n'est pas restée « en rade » et le chauffeur a passé avec le sourire (mais en serrant tout de même les jambes un peu...) à travers une salve de quatre gros noirs sur le damné carrefour.
L'appétit aiguisé, chacun remplit son assiette.
Un coup de sifflet. Alerte !
- Les Boches le font exprès ! marmonne le pointeur en escaladant en voltige le siège où il case péniblement ses longues jambes. Car le siège est fait pour un homme tout pe- tit et c'est presque toujours un grand gaillard chez qui on a découvert dans la section les aptitudes requises pour faire un
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AVION ALLEMAND ABATTU PAR L'ARTILLERIE FRANÇAISE LE 4 SEPTEMBRE 1917
bon pointeur...
Boum ! Boum ! Boum !...
L'avion insiste. Il n'y a pas un seul coup de canon dans le secteur sauf les nôtres : ce que le repérage au son doit bien fonctionner en ce moment chez les Boches !...
Boum ! Boum !
L'avion se met hors portée, mais on le voit, petit point noir, qui continue son va-et-vient au loin au-dessus de ses lignes.
- Il ne s'en ira que quand la soupe sera bien froide, c'est sûr, grogne le régleur de site.
L'officier donne le signal de fin d'alerte et recommande aux guetteurs de ne pas perdre l'avion de vue.
- T'en fais pas, on se rattrapera sur les suppléments, il y a de la confiture comme dessert, riposte le régleur de dérive.
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Au même instant, un long sifflement déchire l'air et un 130 percutant vient prendre ses ébats à 50 mètres en avant des pièces et un peu à gauche.
- Va ramasser le dessert ! Rigole le servant de hausse.
On se regarde, on discute.
- Je te dis que c'est pour la batterie qui est à côté, vois les poilus qui se cavalent dans les sapes.
- Attends donc le second...
- Tiens le v'là !
Vrrr !... Celui-l éclate derrière le poste de comman- dement où le lieutenant venait de faire ouvrir le panier qui contient son repas.
- Bon, il n'y a pas d'erreur, c'est pour nous. ...Pour relever !
Tout le monde s'active, plus personne ne plaisante, les visages sont un peu pâles, mais résolus. Pendant qu'on met la pièce sur ses roues et qu'on met en route, il faut ranger tous les appareils. Encore quelques coups longs... Ouf ! ça y est, on est parti et on a la satisfaction de voir voler sur l'emplacement qu'on occupait tout à l'heure la terre soulevée par les explosions des « arrivées » dont la cadence se précipite.
Quant à se tirer indemne ou non d'une petite affaire semblable c'est une question de veine, voilà tout.
On va alors s'installer plus loin et, très vite, dès qu'on est en batterie, si l'avion de réglage qui nous a fait sonner et qui s'est rapproché dès que la section a été mise dans l'im- possibilité de lui nuire, est encore là, alors, oh alors !  On lui en met un vieux coup. Et la journée continue.
Le soir, après un deuxième repas pris sur le terrain dans des conditions analogues à celles du premier, quand la nuit tombe, on rentre.
Il faut repasser par des routes que les ravitaillements commencent à encombrer et sur lesquelles l'artillerie enne- mie cherche à trouver, à coups de 130 les points sensibles.
Les hommes abrutis de fatigue, tassés sur les voitures, dorment à demi, mais, en arrivant, ils devront se secouer pour procéder à un nettoyage sommaire du matériel et faire le plein des coffres, car demain matin il faudra repartir.
Et cette peinture n'est nullement dramatisée, croyez-le. Le programme de chaque journée ne comprend heureu- sement pas toujours un marmitage ni même « un repas fait
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avec les chevaux de bois », mais quand on a exercé ce métier pendant tous les longs jours des mois d'été, quand on a passé tantôt dans des coins tranquilles, tantôt dans des coins agités, où, a être toujours à découvert, le moindre risque couru est de recevoir un éclat de ferraille qui le plus souvent ne vous est pas destiné, il est vrai, mais qui, s'il vous atteint avec assez de force, ne vous laisse pas d'en avoir l'air moins pénétré... , alors on pense quelquefois qu'i1 y a des militaires sur le front qui habitent des cagnas confortables et profondément enterrées et qui n'ont même pas d'autos !...
Autrefois dans les sections quand le temps s'était tenu un peu trop au beau fixe, que ça avait « bardé » dans le secteur et qu'on avait raté un changement de position par la faute d'un Fritz trop adroit qui avait mis dans le mille au moment où le chauffeur s'expliquait avec son moteur (car il est à remarquer que c'est toujours dans les moments critiques que la magnéto ne donne pas ou que le carburateur a des caprices), on apprenait avec satisfaction que le baromètre était en baisse parce que, au début, les avions ne volaient pas par mauvais temps et même par temps douteux. Tandis que maintenant il est à peine besoin de compter avec les saisons ni de s'inquiéter de l'état de l'atmosphère à moins d'une pluie diluvienne persistante, il n'y a pas à tergiverser, il faut être sur la position, c'est le refrain dans l'A. A. A.
Dans sa sollicitude, le commandement envoie mainte- nant des sections d'auto-canons au repos à proximité des points à défendre contre les avions de bombardement de nuit. Là si votre période de repos coïncide avec du mauvais temps et une absence de lune, on se distraira le jour à net- toyer le matériel, on fera laver au savon noir la boue mélan- gée de graisse des carters en tôle qui habillent les moteurs par en dessous ...
Mais la nuit on dormira, on rattrapera les manque à dormir qu'on a eu et on fera des provisions de sommeil pour l'avenir.
Au contraire si la période de repos coïncide avec la lune et que le temps soit beau, ce sera une mauvaise affaire : ce seront des alertes de nuit avec le spectacle merveilleux des projecteurs balayant le ciel, les mitrailleuses qui crépitent, les balles lumineuses qui s'élancent à l'assaut de l'espace, la canonnade qui gronde, les obus qui éclatent, ponctuant la nuit de leurs lueurs brèves et redoutables, les bombes qui s'écrasent avec un bruit horrible ... C'est encore plus beau qu'au cinéma ! Mais on ne dormira plus, hélas !
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ALBATROS ALLEMAND ABATTU PAR LA DCA LE 23 MARS 1917
comment il faut apprécier et ce qu'il faut apprécier ! Du travail de l'A. A. A.
Pour obtenir ce résultat il ne faut pas dans une section d'auto-canons qu'il y ait seulement soit un bon commandant de tir, soit un personnel bien entraîné et bien instruit, soit un matériel bien entretenu et bien réglé, il ne faut pas seulement qu'il y ait tout cela à la fois, il faut surtout dans la troupe comme dans celui qui la commande une volonté ardente,
passionnée de ne pas laisser un Boche souiller le ciel impu- nément à portée des canons de l'unité.
Il faut ne pas compter sa peine, ne pas se lasser, il faut encore ne pas perdre la foi dans le coup de canon qui va partir sur l'avion qui approche parce que l'avion ennemi de tout à l'heure ne s'est trouvé devant aucun des obus qui ont éclaté plus ou moins près ... ou plus ou moins loin de lui, pendant le tir précédent. Il faut, quelque décevants que
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puissent être les insuccès répétés, en accepter la déception avec philosophie et continuer, avec le même soin de bien faire et avec le même entrain !
Et d'ailleurs l'avion qui interrompt son réglage, celui qui abandonne sa reconnaissance est aussi bien le vaincu que celui qui « atterrit en pièces détachées » comme dit Prosper le mécano. Toutes les victoires du ring ne sont pas obtenues par knock-out, il y a aussi celles acquises par abandon de l'adversaire. Les premières sont plus brillantes parce que plus complètes que les secondes, mais celles-ci n'en sont pas moins des victoires temporaires dont l'utilité en l'espèce n'est pas discutable.
N'est-ce pas un succès qu'ont remporté les défenseurs d'un petit poste quand, par leur vigilance et leur attitude énergique, ils ont fait rentrer dans la tranchée d'en face même sans réussir à lui infliger des pertes, la patrouille boche venue pour tenter de les enlever par surprise ?
Grand-garde de la défense anti-aérienne dont elles sont les postes de guet avancés et les postes d'écoute, les unités d'A. A. A. de l'avant méritent plus qu'ou ne leur accorde de reconnaissance et d'admiration.
Il y a des avions boches qui furent puni ...
Officiers et canonniers doivent se contenter le plus souvent de la satisfaction du devoir accompli : plus la section sera près des liges plus elle courra de dangers et moins, si elle atteint un appareil ennemi, elle aura de chance d'avoir la satisfaction de l'inscrire dans son record parce que 95 fois sur 100 il tombera chez les Boches.
(A suivre.)
Lieutenant X...
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Il est exceptionnel qu'un avion, même fortement endom- magé, tombe verticalement, il est très rare que de l'endroit où il a été tiré on puisse suivre des yeux sa chute jusqu'au sol parce qu'il y a toujours un rideau d'arbres ou une ondulation de terrain qui sert de défilement à la pièce et qui lui cache l'horizon. Il faut en outre avoir des témoignages, mais le temps n'est plus où sur le front tout le monde était le nez en l'air à s'évertuer à chercher l'avion boche dès qu'appa- raissaient les petits flocons blancs d'un tir anti-aérien. Dans les périodes de grande activité, il y a tant d'appareils dans le ciel que personne ne regarde plus ce qui s'y passe.
Enfin les avions ont fait tellement de progrès au point de vue stabilité et équilibrage, la puissance de leurs moteurs leur permet de se redresser dans des positions si bizarres qu'on ne distingue pas toujours facilement quand un avion pique, se met en vrille ou fait la feuille morte s'il cherche à échapper au tir ou bien s'il est désemparé. Alors, il y a deux méthodes qui correspondent à deux écoles : ou bien on laisse tomber l'avion qui tombe, on signale ce qu'on a vu et on attend l'avion suivant qui va venir et qu'il faudra tirer, à moins que ce ne soit la représaille des Boches qui vienne et dont il faudra se tirer... ou bien on lache tout, on saute dans la voiture de reconnaissance et on va chercher partout des renseignements et des attestations.
Dans les deux cas rien n'est changé en fait au sort de l'avion : celui-ci est tombé ou il ne l'est pas. S'il est tombé, il n'est pas toujours homologué. S'il ne l'est pas, il peut quelquefois être homologué tout de même...
Quoiqu'il en soit il y a eu déjà de nombreux avions boches mis à mal par les canons de 75 sur plateformes ou sur autos ; il y en aura de plus en plus.
Il y a en effet certaines unités qui ont obtenu des résul- tats remarquables sous le commandement d'officiers particu- lièrement brillants.
Le G. Q. G. vient de faire paraître une liste officielle des succès à l'actif des unités d'A. A. A. en y joignant un tableau où il donne les noms des officiers et sous-officiers auxquels ont été attribués comme commandants de tir, un certain nombre d'avions abattus.
Cinq lignes censures.
sans nul doute d'après des renseignements fournis par des adjoints scrupuleux et impartiaux, aussi je reste persuadé que tous les appareils portés dans leurs décomptes ont été autant de pertes cruelles pour l'aviation ennemie.
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HALBERTSTADT C III BIPLACE DESCENDU LE 2 MAI 1918 PAR LA 33E SECTION D'AUTO CANONS
Sans vouloir s'arrêter aux chiffres des totaux qui pourraient ressortir de ces listes, où, certains avions ayant été partagés entre plusieurs unités ne sauraient être comptés plusieurs fois, il est infiniment probable qu'il y a eu beaucoup plus d'avions descendus par le canon qu'on ne le croit au G. Q. G.
Je suis certain en effet, pour en avoir tenu en mains les
preuves formelles, qu'un officier qui est inscrit sur la dite liste pour avoir fait chez les avions boches une seule victime, en a fait certainement au moins 6, si ce n'est 7, si ce n'est davantage !... Et je puis dire : si ce n'est davantage, parce que ce ne serait pas étonnant, tant donné la façon dont il a laissé tomber... on peut appeler ça : avec un bruit mou..., un certain nombre d'appareils abattus par ses tirs. Et de savoir qu'il en est ainsi, ma foi ! Je le proclame, c'est fort encoura-
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geant, parce que cela permet de rétorquer les assertions de ceux qui essaient de diminuer les mérites de l'A. A. A.
Bien entendu, dans la guerre aérienne, l'artillerie anti- aérienne n'a pas la prétention de jouer un rôle aussi brillant que l'aviation.
De ses officiers qui se voient, comme le sous-lieutenant R..., attribuer 8 avions, le capitaine T..., 5 avions, le lieutenant G..., 5 avions aucun ne tombe dans le ridicule de se croire pour cela l'émule de nos as. Ceux même qui, avaient fait détruire à coups de canon pas mal d'appareils, ne figurent pas sur le palmarès du G. Q. G. à la place qu'ils devraient occuper, n'en gardent pas moins le souci principal de travailler à tuer la guerre en tuant du Boche.
Ils savent tous qu'il importe de moins en moins d'épilo- guer sur ce qui est déjà fait, quand le moment est venu, suivant la belle phrase du grand Joffre, de ne plus regarder en arrière, mais bien de tendre tous les efforts vers ce qui reste à accomplir, pour aider, chacun par ses moyens, à gagner la dernière bataille.
Lieutenant X...
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