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Alsace 1914 1918 - Linge 1915 - 63rd Anti Aircraft regiment

Operations of 1st and 2nd army in Alsace - August, 1914

ès le début de la guerre, les 1re et 2e Armées françaises ont opéré en étroite liaison. L'étude des mouvements de ces deux groupes de forces ne peut faire l'objet d'aucune division. Nous allons voir comment ces deux armées ont essayé, dès août 1914, de nous rendre les provinces perdues, et pour quelles causes elles échouèrent.

LE THÉÂTRE DES OPÉRATIONS
Le terrain sur lequel se déroule notre offensive peut se diviser en deux grands secteurs : l'un de montagne, l'autre de plaine.

I - Au delà de la trouée de Belfort s'étendent vers le nord les Hautes Vosges, d'une altitude moyenne de 1 100 mètres. Toute armée qui se trouve sur l'un ou l'autre versant (versant français, versant alsacien) ne peut y prendre ses communications que par les cols : cols de Bussang, de la Schlucht, du Bonhomme, de Sainte-Marie, de Saales, de Schirmeck.

Depuis 1871, le tracé de la frontière suivait la ligne des crêtes jusqu'au col de Schirmeck : au delà de ce passage, le massif du Donon se trouvait tout entier en territoire annexé.
II - Au nord-ouest du Donon s'étend la plaine lorraine, qui semble d'un accès facile. Mais elle se rétrécit entre les Vosges et la place de Metz.

Une armée qui veut s'élever vers le nord, en venant de la région Baccarat-Nancy, ne dispose pour sa progression que d'étroits couloirs :
- Le couloir de Sarrebourg, entre les contreforts de la montagne et une zone presque impraticable où les bois se mêlent aux étangs (étangs de Réchicourt, de Gondrexange, de Stock, de Lindre), où la terre argileuse sue de partout l'humidité, ou l'homme glisse, s'enfonce et s'enlise, où aucun charroi n'est possible en dehors de quelques rares chaussées : routes de Moyenvic à Sarrebourg, de Bensdorf à Sarrebourg, de Dieuze à Fénestrange, toutes orientées d'ouest en est.
- Le couloir de Blâmont-Sarrebourg est réduit à 8 kilomètres de largeur, entre Fénestrange et Sarre-Union, par les derniers chaînons qui se détachent des Vosges et qui s'abaissent jusqu'à la Sarre.

Plus à l'ouest, au delà de la zone des étangs, la trouée de Morhange-Bensdorf s'étale sur 55 kilomètres de front, entre Metz et Dieuze; elle s'élève en gradins successifs de- puis la frontière de 1914 jusqu'à la Sarre.

De Sarre-Union jusqu'au sud de Morhange, des lignes de collines successives s'étendent comme un rempart, et couvrent absolument la grande voie ferrée Haguenau - Bensdorf - Metz, une des artères qui relient l'Alsace et la Lorraine, et qui permettent de rapides déplacements de troupes de l'une vers l'autre de ces régions.

Plus au sud encore, la trouée de Morhange est couverte par de nombreuses vallées : celle de la Seille et celles de ses affluents (Loutre Noire, Rivière des Salines, Ruisseau de Videlange) et par de grands bois de part et d'autre du couloir Château-Salins-Morhange (forêts de Brides et Köking, forêt de Grémecey).

ORGANISATION DU TERRAIN PAR LES ALLEMANDS

Longtemps avant la guerre, les Allemands avaient travaillé à constituer une solide arrière sur le front d'Alsace et de Lorraine, pour arrêter une offensive française éventuelle.

La défense de la région montagneuse des Vosges pouvait être assurée par de faibles effectifs, qui profiteraient de toutes les difficultés du terrain et de toutes les ressources
de la fortification de campagne pour s'opposer à la progression de l'adversaire.
CAMPEMENT ALLEMAND EN ALSACE
CAMPEMENT ALLEMAND EN ALSACE.

A l`est des Vosges, la ligne du Rhin constituait un fossé profond, presque infranchissable : la Feste d'Isteinerklotz, établie sur la rive droite du fleuve, couvrait les ponts d'Huningue et de Neuenbourg ; celle de Neub-Brisach, sur les deux rives, protégeait deux ponts de bateaux et un pont fixe jetés sur le Rhin. Ainsi l'Allemagne du Sud était garantie contre les dangers d'une invasion.

Pour arrêter la progression éventuelle vers le nord d'une

armée française qui aurait débouché des Vosges, ou qui aurait tourné ces montagnes par la trouée de Belfort, la place de Strasbourg était puissamment organisée ; son système défensif se prolongeait dans la vallée de la Bruche jusqu'à Molsheim (feste Wilhelm II). De solides fortifi- cations de campagne renforcées, établies sur le Donon, en cas de menace de guerre, prolongeraient cette zone fortifiée jusqu'à la Lorraine pour interdire absolument l'accès de la Basse-Alsace et pour empêcher l'adversaire de venir menacer les derrières des forces allemandes, qui combat- traient entre Metz et les Vosges.

La défense trouverait également des emplacements de résistance favorables le long de la trouée de Sarrebourg, sur les contreforts qui, à l'Est, bordent la Sarre.

En Lorraine, la zone des étangs serait élargie et rendue plus impraticable encore dès le début des hostilités, car les Allemands avaient l'intention de tendre les inondations de l'étang de Lindre.

Plus à l'Ouest, des travaux puissants étaient prévus pour l'organisation des forêts de Brides et Köking.

En 1913, nos ennemis commençaient la construction d'ouvrages permanents sur la côte de Delme, élargissant
singulièrement le périmètre de la place de Metz : la trouée de Morhange se trouvait réduite à une trentaine de kilo- mètres entre Dieuze et Delme.

Une armée française, qui pénétrerait en Lorraine an- nexée et s'avancerait vers Sarrebruck, serait menacée sur ses deux flancs par le danger de contre-offensives partant soit de la zone Metz-Thionville, solidement organisée, soit de la région des Vosges.

Les Allemands avaient étudié des emplacements pour leurs troupes de couverture, qui ralentiraient notre progres- sion sur les coupures de la Seille et de ses affluents, et donneraient au gros de leurs forces le temps de prendre leurs emplacements de combat sur la zone principale de résistance : côte de Delme, crêtes au Sud de la voie ferrée Morhange - Sarrebourg jusque vers Sarrebourg, crête au sud du ruisseau de Lixheim, qui barre la trouée de Sarrebourg.

Un réseau très dense de voies ferrées, en arrière du front d'Alsace et de Lorraine, permettrait aussi bien l'arrivée des troupes du cœur de l'Allemagne, que le transport latéral de forces du Sud-Est vers le Nord-Ouest (de Strasbourg vers Metz) en vue de la manœuvre.

Ainsi les armées allemandes pourraient rapidement venir se masser sur la position principale de résistance en vue d'arrêter les armées françaises.

Ces dernières utiliseraient vraisemblablement pour leur
offensive la trouée de Morhange ; elles se heur- teraient à une zone amé- nagée avec toutes les res- sources de la fortification moderne, et dont la force de résistance serait décu- plée, grâce à l'emploi massif des canons lourds et à la multiplication des mitrailleuses.

Le terrain avancé, au sud de la ligne Delme - Morhange - Bensdorf - Lixheim, était soigneuse- ment repéré, comparti-
menté tantôt par des perches verticales, tantôt par des arbres taillés de façon distinctive. L'artillerie allemande y avait, en temps de paix, exécuté de nombreux tirs d'instruction, pour bien connaître les distances.

C'est dans cette région que nos soldats vont, en effet, se lancer dès les premiers jours d'août 1914 ; mais ils ne pourront enfoncer les organisations ennemies, car ils ne disposeront pas du matériel capable d'appuyer leur progression.

Leur bien faible artil- lerie lourde et leur artillerie de campagne essaieront en vain de leur ouvrir un passage ; tout le courage de nos troupes viendra se briser contre des positions allemandes demeurées in- tactes.

Répartition des forces allemandes :
Depuis de longues années, le Commandement alle- mand, qui connaissait la puissance de la barrière
fortifiée établie sur notre territoire par le général Seré de Rivières, avait résolu de rester sur la défensive dans la région d'Alsace et de Lorraine, dès le début d'hostilités. Il avait résolu d'y économiser les effectifs, grâce à l'utilisation

du terrain, de la fortification et grâce à l'emploi des armes automatiques.

Avec le maximum de leurs forces disponibles, nos ennemis voulaient prendre une offensive vigoureuse par la Belgique, de part et d'autre du couloir Meuse-Sambre, pour déborder l'aile gauche des Armées françaises.

Mais le Commandement germanique comptait ne pas garder indéfiniment une attitude passive sur le front de Lorraine : bien au contraire, quand l'assaut de nos troupes serait venu se briser contre le môle solide établi en arrière de la frontière, les Allemands voulaient passer à. une contre-offensive puissante en direction de la trouée de Charmes pour déborder rapidement par sa droite le gros des Armées françaises, déjà tourné par sa gauche grâce à la violation des territoires belges, et enserrer ainsi nos forces entre les deux branches d'une véritable tenaille, selon la théorie chère à Schlieffen. Nos ennemis avaient la possibilité d'exécuter cette double offensive, grâce au dédoublement de leurs Corps d'Armée, dès le début des hostilités.

Dans les derniers jours de juillet 1914, les Allemands commencent l'appel de leurs réserves et renforcent leurs unités.

Dès le 28 juillet, les détachements de couverture oc- cupent leurs positions en Alsace-Lorraine.

A l'abri de cette couverture, viennent se concentrer :
1°) Sur le front d'Alsace.
a) La VIIe Armée de von Heeringcn, à l'effectif de 120 000 hommes. Elle comprend trois Corps d'Armée actifs, un Corps de Réserve.
Elle s'établit dans la région frontière des Vosges et sur le Donon.
b) En arrière et au sud, dans la région Colmar - Neuf-Brisach - Mulhouse, le détachement d'Armée von Deimling, à l'effectif de 40 000 hommes, est chargé de la garde de la Haute-Alsace.
2°) Sur le front de Lorraine.
La VIe Armée, commandée par le kronprinz de Bavière (3 Corps d'Armée actifs, 1 Corps de Réserve), soit 200 000 hommes, dans la région au sud de Sarrebruck, la droite appuyée à Metz. Le kronprinz de Bavière doit rester sur ses positions défensives, et y attirer les troupes françaises.

Ces armées représentent à peu près le quart de l'ensemble des forces que nos ennemis ont mobilisées : la majeure partie des unités allemandes est réservée, en vue de l'offensive d'aile droite.

Répartition des forces françaises : Sur le front d'Alsace et de Lorraine, c'est au contraire une attitude nettement of- fensive que le commandement français va adopter, dès le début des opérations.

En effet, notre doctrine de guerre nous ordonnait de nous emparer de l'initiative des opérations, c'est-à-dire de passer à l'attaque.

Nous avions trop le respect des traités pour vouloir violer la neutralité belge. Un seul théâtre d'opérations s'of- frait dès lors à nous, pour y porter notre offensive : la région frontière d'Alsace Lorraine.

Nous voulions jeter une partie de nos forces en direction générale de Sarrebruck par la trouée de Morhange - Sarrebourg, pendant qu'une forte couverture nous garantirait contre toute entreprise ennemie, tant à droite, aux débouchés des Vosges, qu'à gauche, face à Metz. Nos armées de gauche prendraient également l'of- fensive au Nord de Thionville.

Au cas probable où l'adversaire se déciderait à traverser la Belgique pour envahir ensuite notre territoire, l'opération entreprise en direction de Sarrebruck troublerait la concentration allemande, compromettrait gravement la
réussite de la manœuvre débordante entreprise par le com- mandement germanique, en obligeant celui-ci à reporter une partie de ses forces de Belgique en Lorraine pour arrêter notre progression et conjurer la menace suspendue sur les derrières de l'aile droite allemande.
GÉNÉRAL DUBAIL
GÉNÉRAL DUBAIL

Deux Armées françaises se préparent à envahir les provinces perdues : La 1re Armée qui comprend les 7e, 8e,

13e, 14e, 21e Corps d'Armée (ce dernier renforcé d'une brigade coloniale), les 57e, 58e, 63e, 66e divisions de réserve, la 8e division de cavalerie; soit 250 000 hommes, sous les ordres du général Dubail. Dès le début de la guerre, le général Joffre décide d'exécuter son plan d'offensive en Alsace Lorraine ; toutefois, selon une variante, arrêtée dès le temps de paix pour le cas où l'adversaire violerait la neutralité belge, une offensive vigoureuse doit également être prise plus à gauche, dans le Luxembourg belge.

Mais bientôt une partie de cette armée servira à constituer, sous le commandement du général Pau, l'Armée d'Alsace (la 1re Armée perdra ainsi un groupe de divisions de réserve, le 7e Corps d'Armée et sa division de cavalerie).

Au début d'août, le gros de la 1re Armée se concentre dans la région d'Épinal, la droite vers Belfort, la gauche vers Lunéville.

La 2e Armée, composée des 9e, 15e, 16e, 18e, 20e Corps d'Armée (ce dernier renforcé d'une brigade colo- niale) des 59e, 68e, 70e divisions de réserve, des 2e, 6e et 10e divisions de cavalerie, plus, quelques jours après la déclaration de guerre, des 64e, 73e, 74e divisions de réser-
ve soit 250 000 hommes, aux ordres du général de Curières de Castelnau.

Le gros de la 2e Armée se rassemble vers Nancy, la droite au nord de Lunéville, la gauche près de Toul.

Les divisions de réserve sont chargées d'organiser le Grand-Couronné, en avant de Nancy; les forces du général de Castelnau s'en trouvent d'autant affaiblies : seule parmi les divisions de réserve, la 68e pourra prendre part à la bataille de Morhange.

De plus, à la veille de notre offensive, le 9e Corps d'Armée devra s'embarquer, par ordre du Généralissime, à destination de Sedan (les 34e et 35e brigades qui auront reçu contre-ordre après le 20 août, en raison de la gravité de la situation sur le font de Lorraine, prendront part, néanmoins, à la bataille du Grand-Couronné).

Le 18e Corps d'Armée sera rappelé vers Hirson, à la date du 14 août, pour renforcer la l5e armée française très menacée.

Le général de Castelnau ne disposera donc plus que de 130 000 hommes pour passer à l'attaque : ce sera l'une des causes de son échec.

LES OPÉRATIONS
1re Armée
En raison des prescriptions du Ministre de la Guerre, les troupes françaises laissent inoccupée, au début du conflit, une zone de 8 kilomètres de profondeur à partir de la frontière. Dans les Vosges, les Allemands en profitent pour occuper et organiser les crêtes.

Le gros de la 1re Armée se rassemble à l'ouest de la Meurthe, dans la région Saint-Dié - Baccarat.

Avant d'entreprendre sa marche vers le nord-est, le général Dubail doit se prémunir contre l'éventualité d'une offen- sive ennemie, qui pourrait déboucher des Vosges en
arrière de sa droite, et surprendre toute la 1re Armée en flagrant délit de manœuvre.

Le général Dubail va faire occuper très solidement la chaîne des Vosges, afin de n'avoir rien à redouter sur son flanc droit.
Pendant que le 7e Corps et la 8e division de cavalerie pénétreront en Alsace par la trouée de Belfort, et dégageront le pays jusqu'à la Bruche, le centre de la 1re Armée (21e et 14e Corps) enlèvera les cols des Vosges, du Bonhomme à Saales, et occupera ensuite la chaîne du Donon pour se lier au mouvement de la gauche, qui progressera par la trouée de Sarrebourg.

Rappelons, dès main- tenant, que nos troupes, qui vont se porter dans le Sundgau, seront rejetées le 9 août sur la place de Belfort, et que les Alle- mands pourront ramener vers Colmar et Stras- bourg les XVe et XVIe Corps qui faisaient face à notre 7e Corps et à notre 8e division de cavalerie.

Opérations préliminaires : L'occupation des cols des Vosges : Dès le 7 août, sitôt reçus les ordres du général Dubail, la 43e division du 21e Corps d'Armée, concentrée primitivement vers Saint Léonard et dans la vallée de la Fave, se porte vers les cols du Bonhomme et de Sainte-

Marie : ce n'est qu'après de durs combats que nos soldats réussissent à occuper les passages.

La 13e division du même Corps, rassemblée d'abord dans la région de Badonvillers, marche à l'attaque des cols à la gauche de la 43e division : les 3e et 21e bataillons de chasseurs enlèvent brillamment le col de Saales, à la date du 12 août. Le 21e régiment d'infanterie s'empare du col de Hans Mais il faut déboucher de ce col dans la vallée de la Bruche, et les Allemands résistent avec acharnement sur les hauteurs qui s'étendent entre Plaine et Diespach : les 21e et 109e régiments, bien appuyés par les batteries du 59e d'artillerie, se lancent à l'assaut et refoulent l'adversaire.
DRAPEAU DU 132e RÉGIMENT D'INFANTERIE ALLEMAND PRIS A SAINT-BLAISE
DRAPEAU DU
132e RÉGIMENT D'INFANTERIE ALLEMAND
PRIS A SAINT-BLAISE
Plus à droite, vers Saint-Blaise, dans la vallée, le 1er bataillon de chasseurs mène une action plus brillante encore : les soldats du 132e allemand s'enfuient devant nos Diables bleus qui leur arrachent leur drapeau.

Notre avance se fait plus rapide dans la vallée de la Bruche. Nous nous rapprochons de Molsheim et de la fameuse Porte de Schirmeck, puis Wisch, sont enlevés par les 52e, 99e, 140e, 109e régiments d'infanterie et par le 20e bataillon de chasseurs.

Mais bientôt l'adversaire, qui a reçu de nombreux renforts, résiste avec plus d'opiniâtreté Des combats sanglants se déroulent sur la rive droite de la Bruche, et nous ne remportons pas toujours l'avantage.

Les 17e, 21e, 109e régiments subissent des pertes sérieuses ; les contre-attaques allemandes se multiplient : le 18 août, l'une d'elles réussit à nous reprendre Wisch Nous verrons plus loin la suite de ces engagements dans la région de Schirmeck et leur répercussion sur les combats du Donon.

Le 14e Corps d'Armée, rassemblé primitivement vers Corcieux, a été également chargé de l'occupation des Vosges Il relève la 43e division du 21e Corps aux cols du

Bonhomme et de Sainte-Marie ; cette division peut remon- ter vers le nord, au delà du Donon : elle progressera ensuite vers Abreschwiller.

Le 14e Corps éprouve de très sérieuses difficultés pour déboucher dans les vallées alsaciennes. Après l'occupation du col d'Urbeis, nos soldats réussissent à amener quelques batteries de 75 et à les installer sur les contreforts qui dominent: au nord la Lièpvrette ; ces canons prennent d'enfilade les positions allemandes ; le 14e Corps peut: ainsi progresser en direction du village de Sainte-Marie, et bousculer l'adversaire.

Plus à gauche, nos troupes avancent également vers Villé et elles commencent à escalader, au delà de Climont, les premières pentes du Champ-du-Feu.

Les combats très violents, menés par les 21e et 14e Corps, fixent dans la région de Molsheim-Schlestadt les XVe et XVIe Corps Allemands, et les empêchent de revenir vers le Sundgau où l'armée d'Alsace peut remporter de sérieux succès et réoccuper Mulhouse.

De la trouée de Belfort jusqu'au massif du Donon, toutes les crêtes des Vosges sont conquises. Nous avons pris pied dans les vallées alsaciennes et l'ennemi ne paraît
pas capable de nous en rejeter; près de Schirmeck seule- ment, la lutte reste très violente.

L'opération préliminaire ordonnée par le général Dubail : occupation des cols par une puissante flanc-garde, a donc pleinement réussi.

Le Commandant de la 1re Armée peut passer, dès le 12 août, à l'opération principale : la marche offensive en direction du nord-est. Il prescrit aux 8e et 13e Corps de se porter vers le front Sarrebourg - Dabo, qu'ils devront organiser défensivement, dès qu'ils l'auront atteint.

L'OFFENSIVE DE LA 1re ARMÉE

Le 12 août, les 8e et 13e Corps d'Armée franchissent la Meurthe; à gauche, le 8e Corps assure la liaison de la 2e Armée. Le 14 août, les 85e, 95e 29e et 13e régiments du 8e Corps arrachent Domèvre au 1er Bavarois. Dans la nuit du 14 au 15, le 95e s'empare de Blâmont. Le 13e Corps a échoué devant Circy le 13, mais enlève ce village le 14. Le 16, la frontière est franchie : la couverture allemande peut à peine retarder nos progrès. Le 17 août, le 13e Corps, qui a dépassé la Sarre par sa droite, atteint la ligne Lorquin - Abreschwiller. Plus à l'ouest, le 8e Corps a continué son avance vers Sarrebourg. Malheureusement il éprouve, à

peine la frontière franchie, les plus sérieuses difficultés pour garder la liaison avec la 2e Armée : il en est, en effet, séparé chaque jour davantage par la zone des Étangs et ce n'est plus guère que par la route de Moyenvic à Sarrebourg qu'il peut, à partir du 18, se relier à la droite du général de Castelnau.

Le 18 août, le 8e Corps arrive devant Sarrebourg : une ligne de positions couvre la ville et la voie ferrée de Bensdorf à Saverne : il faut l'enlever d'assaut.

Un combattant du 95e régiment, le lieutenant Péricard, nous a donné le récit suivant de la bataille :
Le 18 au matin, le 8e C. A. arrive devant Sarrebourg ; l'ordre d'attaque lui prescrit d'atteindre le front Kerprich Bois-Saint-Hubert, à l'ouest de Sarrebourg ; il sera appuyé à droite par 13e Corps, à gauche par le 16e (2e Armée).

Le 95e est désigné pour attaquer Sarrebourg : le gé- néral de Maud'huy, commandant la 31e brigade, a promis cette récompense au régiment, à la suite de sa brillante attitude à Blâmont.

Promesse qui honore à la fois le chef et les hommes. Le 95e (colonel Tourret) part de Lorquin vers 6 heures du matin, traverse Xouaxange, franchit le canal de la Marne au
Rhin et s'établit à la cote 325, près de la route de Paris, à 5 kilomètres de Sarrebourg.

Vers midi, les 2e et 3e bataillons du 95e commencent le mouvement ; chaque bataillon est en colonne double, les compagnies en ligne de section par quatre. Quand nos troupes arrivent sur la crête de la colline, à 1 500 mètres de Sarrebourg, l'ennemi fortement retranché sur les hauteurs au Nord de la ville, déclenche un tir violent de « gros noirs ».

La progression se fait cependant sans aucun arrêt, par bonds rapides. A 15 h. 30, les premières compagnies pénètrent dans Sarrebourg, chassent les Allemands restés en arrière-garde, et occupent les lisières nord de la ville. Le 85e s'empare de Bühl et une compagnie du 95e se retranche à Hoff, en avant de Sarrebourg.

La population de Sarrebourg fait un accueil chaleureux nos soldats Devant chaque maison sont disposés des seaux de vin, des bouteilles de bière, des provisions de toutes sortes. Les habitants bourrent les musettes des poilus de cigarettes et de paquets de tabac.

Cependant, ils ne cachent pas leur appréhension : « La retraite des Allemands n'est qu'une feinte. Ils ont reculé pour vous amener sur les emplacements de combat choisis

par eux Ils sont plus nombreux que vous ; ils ont dix fois plus de canons Prenez garde ! »

Ces avertissements ne sont que trop exacts ; on ne tardera pas à s'en apercevoir.
LE GENERAL DE MAUD'HUY
LE GENERAL DE MAUD'HUY

En effet, à quelques kilomètres au delà de Sarrebourg, le 8e Corps va se heurter à de nouvelles positions sur lesquelles sont accourus de nombreux renforts allemands. L'artillerie lourde ennemie s'est installée sur les hauteurs qui dominent la Sarre, de Reding jusqu'à Fénestrange, et elle flanque toute la vallée que nos troupes doivent suivre dans
leur progression vers le Nord.

La lutte va devenir plus acharnée, et les Allemands, bientôt, reprendront l'avantage.

L'OFFENSIVE DE LA 2e ARMÉE

La 2e Armée s'était, tout comme la 1re Armée, retirée à 8 Kilomètres en de çà de la frontière franco-allemande, pour enlever aux Allemands tout prétexte à déclaration de guerre.

Le 10 août seulement, elle réoccupe ses emplacements de couverture. Le même jour, le 4e bataillon de chasseurs, détaché sur la Seille, au nord de Moncel, subit une attaque ennemie qui débouche de Vic, et peut la repousser assez facilement. Deux bataillons des 40e et 18e régiments (15e Corps d'Armée) s'emparent de Lagarde, un peu au delà. d'Avricourt. Ils ne pourront, malheureusement, conserver le village : celui-ci leur sera repris le 12, et nos bataillons subiront de grosses pertes.

L'ordre d'offensive générale est donné à la 2e Armée le 13 au soir, pour le lendemain 14 août : les 15e,16e, 20e Corps se porteront en avant du front Baccarat - Lunéville, vers la ligne Avricourt - Château-Salins, puis vers la ligne

Bensdorf - Morhange. Les 5e et 6e divisions de cavalerie éclaireront la marche. Le 9e Corps formera pivot de manœuvre, au Grand-Couronné, face à Metz.

Le 18e Corps restera en réserve dans la région de Domèvre-en-Haye, à la disposition du Généralissime.

LES TROUPES DE COUVERTURE REJOIGNENT LEURS EMPLACEMENTS
EN ALLEMAGNE
LES TROUPES DE COUVERTURE REJOIGNENT LEURS EMPLACEMENTS
Dès que le 20e Corps aura atteint la région de Château-Salins, il maintiendra sa gauche en échelon refusé face à Metz, et continuera, par son centre et sa droite, son mouvement en avant.

Le général de Castelnau recommande à tous les commandants la plus grande prudence : les attaques d'infanterie ne devront déboucher qu'après avoir été préparées par l'artillerie. Mais ces sages conseils seront bien vite oubliés; l'ardeur du soldat français semblera triompher partout de la résistance allemande ; on ne comprendra pas assez que nos troupes n'ont à faire face au début qu'à des détachements de couverture, qui les attirent sur la position principale de résistance du kronprinz Rupprecht ; on s'imaginera que toujours et partout l'élan de nos fantassins suffira pour forcer la victoire : quel sanglant échec se prépare-t-on ainsi !

Le 14 août est donc le premier jour de notre offensive générale sur le front de Lorraine.

Cette offensive débute par une brillante opération : le village de Lagarde, où le 12 août, des unités du 15e Corps ont essuyé un échec sérieux, est repris par les 58e et 122e régiments d'infanterie, après une parfaite préparation d'artillerie, exécutée par le 19e régiment.

Plus à l'ouest, la 29e division du même Corps se heurte dans Moncourt à une très forte résistance : les 111e, 112e, 141e régiments d'infanterie réussissent finalement à s'emparer de la localité, mais nos soldats sont dans l'impossibilité de la dépasser.

A droite du 15e Corps, le 16e Corps s'est porté vers Réchicourt, où il laisse la 32e division, dont un détachement est poussé jusqu'à Gondrexange pour assurer la liaison avec l'Armée Dubail, qui progresse à l'est de la région des Étangs.

Quant à la 31e division, elle s'avance à travers les marais et les bois, en vue d'atteindre le canal des Salines sur le front Mittersheim - Zommange, pendant qu'à droite une flanc-garde assure sa protection sur le canal des houillères.

Dans la journée du 17, le 16e Corps parvient jusqu'à Angwiller et Rohrbach : le soir, les Allemands réagissent violemment; ils essayent de reprendre ce dernier village : deux bataillons du 96e et la compagnie divisionnaire du génie s'y cramponnent et réussissent à s'y maintenir.

Le 16e Corps se trouve déjà presque à hauteur de Fénestrange ; il est très aventuré, car la gauche de la 1re Armée n'est pas encore arrivée à Sarrebourg. Le Corps de
cavalerie Conneau fouille bien le terrain à l'ouest de la Sarre, mais ses premiers éléments sont eux-mêmes très en arrière de la droite de la 31e division.

DE GARDE
DE GARDE

A la gauche du 15e Corps, le 20e a enlevé Arracourt après deux jours de combats (14 et 15 août). Le 16 août, le 5e hussards pousse jusqu'à Château Salins, au milieu de l'enthousiasme de la population. Vic, où les Allemands se maintiennent encore, leur est arraché le 17 août.

Les ordres du général de Castelnau pour le 18 août,

prescrivent à la 2e Armée de venir border la Seille, les Corps d'Armée se disposant, chacun dans leur zone, en vue de l'offensive à poursuivre ultérieurement, et faisant en conséquence occuper par leurs éléments avancés les débouchés de la rive droite de la rivière « Ordre général d'opérations n° 23, du 17 août ».

Le 18 août, une partie du groupe (1) des bataillons alpins (23e et 24e bataillons) pénètre momentanément dans Dieuze, évacué par l'ennemi. Les avant-gardes des chas- seurs poussent même jusqu'aux abords de Zommange et de Vergaville. Mais le Commandant de la 29e division ne fait pas occuper Dieuze, par crainte des tirs de l'artillerie allemande, signalée près de Vergaville. Le 15e Corps reste sans avancer au sud de la Seille, entre la corne nord de l'Étang de Lindre et Marsal. Sa droite a d'ailleurs eu la veille de grosses fatigues à endurer, lors de sa progression dans le terrain marécageux sur lequel s'étendent les inondations de l'étang de Lindre.

Plus à l'ouest, les Allemands sont fortement retranchés dans la forêt de Brides et Koking, et menaceraient sur sa gauche le 15e Corps s'il voulait se porter vers Bensdorf.

(1) Ce groupe comprend les 6e, 230e, 270e, 24e bataillons. Il est affecté, depuis le 15 août, au 15e Corps.
L'inaction du 15e Corps a de fâcheuses conséquences : la 31e division du 16e Corps (81e, 96e, 122e, 142e régiments) est parvenue la veille sur le front Rohrbach - Angwiller. Le 18 au matin, elle progresse jusqu'à Mittersheim, où elle atteint le canal des Salines.

Le Corps Conneau n'est encore rendu qu'à Gosselming; très en pointe, la division de tête du 16e Corps est contre-attaquée le soir à Londrefing par de grosses forces allemandes, qui la rejettent, avec des pertes sérieuses, jusqu'à Angwiller, à 8 kilomètres au sud.

Le 20e Corps seul peut enregistrer une avance sensible : il assure la possession de la ligne de la Seille depuis Marsal jusqu'à Chambrey (ces deux villages exclus) et la possession des hauteurs qui dominent au nord la rivière, de part et d'autre de Château-Salins.

Mais des événements considérables vont compro- mettre la réussite de l'offensive de la 2e Armée. En raison des progrès allemands en Belgique et dans le Luxembourg, le 18e Corps a été brusquement enlevé au général de Castelnau, et transporté, le 16 août, vers Fourmies, pour être mis à la disposition du général Lanrezac.

Le 18 août au soir, alors que le 9e Corps quittait le Grand-Couronné pour prolonger la gauche du 20e Corps et assurer la couverture de la 2e Armée face aux positions de la côte de Delille, brusquement parvenait l'ordre d'envoyer le 9e Corps renforcer la 3e Armée.

Le général de Castelnau fait alors appel à la division de réserve du 18e Corps (68e division), qui vient du Grand-Couronné se placer à la gauche et en arrière de la brigade coloniale (41e et 43e régiments) rattachée au 20e Corps.

Les 70e et 59e divisions de réserve prolongent le front depuis la Seille jusqu'à la Moselle (colline Sainte-Geneviève).

La 1re Armée est bientôt renforcée du Corps Conneau (prélevé également sur la 2e Armée) car le général Dubail s'attend à être attaqué par de grosses forces, qui se massent entre Saverne et Obersteigen.

En raison de tous ces prélèvements opérés sur la 2e Armée, il est à peu près certain, dès le 18, que notre offensive en Lorraine n'aura aucun succès. Mais la gravité des circonstances oblige le Haut Commandement à maintenir les ordres d'attaque qu'il a donnés.

Le général Joffre prescrit au général de Castelnau de poursuivre son mouvement en direction de Faulquemont, de manière à atteindre la région Bensdorf - Dalhain - Delme, en vue de retenir le plus de forces ennemies possible. Il est de toute utilité, en effet, d'empêcher l'adversaire de dégarnir le front de Lorraine, et d'opérer un glissement vers l'ouest pour venir attaquer, sur leur flanc droit, nos armées qui ont pénétré dans le Luxembourg.

Le renseignement qui fait connaître au Quartier Général de la 2e Armée la menace suspendue sur la 1re Armée, joint à celui qui montre le danger couru par la gauche française, amène le général de Castelnau à poursuivre son attaque avec toute la vigueur et la rapidité possibles : ce n'est plus l'heure de la prudence, mais celle de la décision vigoureuse, qui peut seule forcer le cours des événements.